Le sel est un élément naturel vital pour les hommes comme pour les animaux. En effet, le chlorure de sodium dont est presque exclusivement composé le sel, est indispensable au bon fonctionnement de nos muscles, de notre circulation sanguine comme de la transmission de notre influx nerveux. Mais c’est surtout, depuis la préhistoire, une substance précieuse pour conserver les aliments et relever leur saveur…

Le sel

En effet, si les premiers hommes ont su exploiter les salines naturelles existantes sur les rivages des mers chaudes ou dans des dépressions salées, on relève aussi des traces d’exploitations minières de sel par puits et galeries dès le début de l’âge de fer, c’est-à-dire vers 800 ans avant Jésus Christ. Ensuite des textes écrits, comme ceux d’Hérodote, font référence à l’extraction et au commerce du sel à travers le bassin méditerranéen et dans tout le Moyen Orient.

Et quand Rome étend son empire, c’est dans une grande partie de l’Europe qu’elle tisse un réseau de routes pour acheminer ce précieux condiment. D’ailleurs, une partie de la solde des centurions romains était versée sous forme de sel et cette allocation se nommait « salarium » d’où vient notre mot « salaire ».

En dehors du monde romain, d’anciennes routes du sel traversent aussi l’Asie et l’Afrique où le sel acquiert une valeur de monnaie d’échange. Dans ce dernier continent notamment, les traditionnelles caravanes de chameaux menées par les Touaregs assurent encore le transport de cette marchandise, même si elles sont de plus en plus concurrencées par les camions.

Au cours du Moyen Âge, les besoins en sel augmentent avec l’essor de la population et on l’extrait de plus en plus du sous-sol géologique, soit directement dans les mines de sel gemme, soit indirectement en injectant de l’eau douce dans les gisements de sel, l’eau saturée en sel étant ensuite remontée à la surface et chauffée jusqu’à évaporation. Ainsi au centre de l’Europe nait une industrie minière autour de ces salines continentales.

Mais on récolte aussi le sel dans les marais salants où l’eau de mer s’évapore sous l’action du soleil laissant apparaître le sel. Le paludier y récolte son sel à l’aide de longs râteaux de bois et le fait sécher en tas pyramidaux depuis des siècles. Alors que ces salins maritimes, comparables à des exploitations agricoles, ont peu modifié leurs techniques ancestrales, les salines continentales, véritables entreprises industrielles, ont rivalisé d’ingéniosité au fil du temps pour augmenter leur production.

Au XIIe et au XIIIe siècle, c’est le poisson conservé grâce au sel qui assure la nourriture des classes les plus pauvres et l’on voit circuler dans les rues, des marchandes de harengs saurs, c’est à dire confits dans une saumure. Plus tard, c’est la morue qui remplacera le hareng dans l’alimentation des plus pauvres avec l’exploitation des bancs de morue de Terre Neuve.

Au XIVe siècle, en France, ce produit de première nécessité devient une source de revenus pour le pouvoir royal lorsque Philippe VI de Valois créé un impôt sur le sel (la fameuse gabelle), impôt qui engendrera de nombreux troubles. En effet, toutes les provinces françaises n’étant pas soumises au même régime fiscal concernant le sel, la contrebande se développe et faux sauniers et gabelous vont s’affronter jusqu’à qu’à ce que cette taxe soit abolie sous la Révolution Française.

Le sel est un élément tellement important qu’il n’est pas étonnant qu’il soit entré dans l’imaginaire collectif. Ainsi, la tradition judaïque fait du sel un symbole de l’alliance de Dieu avec son peuple, mais aussi de malédiction comme le raconte ce passage de la Génèse : « la femme de Loth regarda en arrière et elle devint une colonne de sel ». Le Nouveau Testament, quant à lui, ne retient que les aspects positifs de la symbolique du sel.

En effet, dans le Sermon sur la montagne, Jésus déclare « Vous êtes le sel de la terre », signifiant ainsi que le sel représente la part divine de l’homme, celle qui a conclu l’Ancienne Alliance avec Yahvé. D’ailleurs, auparavant, lors du baptême d’un petit enfant on lui mettait du sel sur la langue en signe d’alliance avec Dieu et dans ce rite, le sel en anéantissant le péché dans l’enfant symbolisait la pureté et en même temps la sagesse.

Le sel

Autrefois, on prêtait de nombreuses vertus plus ou moins superstitieuses au sel, qui était sensé garder de tout. Il était même gage de résurrection, comme en témoigne la légende de Saint Nicolas qui sauve les enfants mis au saloir. Enfin de nombreuses villes doivent leur toponymie à ce minéral comestible: Lons-le-Saulnier, les Salines, Salies-de-Béarn, Salin-de-Giraud…

Aujourd’hui, en France, la production de sel ignigène – c’est à dire obtenu à partir d’une source de chaleur artificielle – l’emporte sur celle du sel de mer. La première est assurée principalement par la vallée de la Meurthe (salines de Varangéville et de Dombasle), le Jura et le sud-ouest (salines de Bayonne et de Dax); la seconde par les marais salants de Méditerranée, les salins situés à l’embouchure du Rhône en Grande-Camargue et Petite-Camargue fournissant 90% de la production et du littoral atlantique (île de Ré, presqu’île de Noirmoutier, presqu’île de Guérande).

Ce sel de mer est utilisé pour la salaison des poissons à bord des chalutiers et comme sel de cuisine et de table. Le sel gemme est utilisé directement, notamment pour le déneigement alors que celui d’origine ignigène convient pour l’agriculture, la régénération des adoucisseurs d’eau, les industries diverses notamment l’industrie chimique puisque deux de ses produits de base en sont tirés: la soude et le chlore.

En ce qui concerne l’alimentation, outre la conservation des aliments, le rôle du sel est d’augmenter la perception des saveurs, car une cuisine sans sel serait bien fade. On le trouve sous la forme de gros sel, de sel fin, de fleur de sel, de sel iodé ou fluoré. Néanmoins, pour notre santé, s’il est recommandé de consommer la dose minimale de 2g par jour afin d’équilibrer notre métabolisme et freiner la déshydratation, il faut aussi veiller à ne pas manger trop salé. Car un excès de sel peut entrainer de l’hypertension et donc des maladies cardio-vasculaires et un dysfonctionnement rénal (à ce propos, la consommation de sel marin non raffiné de couleur grise compenserait l’effet néfaste du sodium grâce à sa teneur en magnésium et autres oligo-éléments).

Mais le danger vient moins du sel dont on saupoudre nos repas que des plats cuisinés achetés tout faits, fortement salés. Ainsi, dans les pays industrialisés l’industrie agroalimentaire favorise une surconsommation de sel, le but étant d’augmenter la soif des consommateurs pour leur faire consommer davantage de boissons produites par les mêmes sociétés. Et cette dépendance commence dès le plus jeune âge avec les petits pots pour bébés… Heureusement, grâce à une prise de conscience récente, les industriels se montrent davantage soucieux de la santé publique et de nombreux produits portent la mention « teneur en sel réduite ».